Ce matin d’octobre 1944, des son réveil René était tout excité, après une toilette à l’eau froide menée rondement il avait bu son bol de lait et mangé sa tartine de pain gris. Sa mère vaquais dans l’arrière cuisine, il grimpa à l’étage, attrapa ses livres et cahiers pour les mettre dans son cartable. Il ne put s’empêcher d’ouvrir son livre de géographie ou il avait glissé le petit mot qu’il allait donné à Julie, à l’école , à la récréation de dix heures. Julie avec son petit nez retroussé, ses tresses blondes dans le dos et son si joli sourire, il la trouvais si belle et là sur la feuille de cahier il avait écrit : Julie veux tu être ma bonne amie.
Il fermait le cartable quand il entendit le bruit d’une auto qui stoppait devant la maison. Des coups cognés à la porte, violemment, des jurons, puis le cri de sa mère. Brusquement inquiet, il se cacha derrière les rideaux et il assista au crime.
La jeune femme, son mari prisonnier de guerre, tenait le poste de secrétaire de mairie. Sa place l’obligeait à recevoir de fréquentes fois, à la mairie ou chez elle quand l’ennemi était pressé, des officiers Allemands à la recherche de renseignements sur des citoyens de la commune. Un brave quidam avait rapporté ces faits à la résistance et celle-ci, ce jour-là, avait décidé de faire justice, sa justice.
René vit sa mère assise de force sur une chaise prise dans la cuisine, puis a demi dénudée, un des hommes présents taillada ses cheveux avec un ciseau avant de lui tondre la tête. La pauvre femme semblait pétrifiée. Les yeux dans le vide sans larmes. Un autre homme trempa un doigt dans une boite contenant de l’encre et lui traça une croix gammée sur une joue ensuite après lui avoir lié les poignets dans le dos ils la poussèrent sur la rue qui menait vers le centre du village.
Le lendemain matin, René et sa mère, avec quelques bagages montèrent dans le vieil autobus à gazogène, et quittèrent le village pour la ville la plus proche. Avant de grimper dans le bus, René aperçu Julie qui se dirigeait vers l’école. Honteux, il baissa la tête puis osa la regarder et lui fit un petit
de la main. Julie lui sourit et lui envoya un baiser du bout des doigts. Jamais plus René n’oublia ce geste.
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A l’extrémité de la rue principale de la petite ville, presque en dehors de l’agglomération, il y a une petite propriété entourée d’un vieux mur de pierres a demi écroulé, un grand parc boisé et une maison aux volets toujours fermés. Pourtant l’ensemble malgré de grandes herbes et quelques ronces ne semble pas totalement abandonné. Dans la commune tout le monde connait cette maison sous le nom de “ la maison de la tondue”.
Un jour, une rumeur envahit la petite ville, la maison de la tondue a été vendue et son nouveau propriétaire allait venir s’y installer.
Alors on reparla de cette histoire arrivée à la libération cinquante ans plus tôt. La secrétaire de mairie avait alors été accusée de collaboration avec les allemands, une bande de résistants débarqua un matin et sans jugement l’avaient tondue et exhibée sur la place publique. Par la suite, beaucoup dans la ville ressentirent une certaine
de n’avoir dit mot ce jour là car rien ne vint confirmer l’accusation. La jeune femme et son fils quitterent la ville dès le lendemain et personne n’en avait jamais entendu parler depuis. Par la suite, il se dit qu’elle avait gagné une ville voisine, il se dit aussi que son mari prisonnier en Allemagne n’était pas revenu préférant rester dans la ferme où il purgeait son statut de prisonnier. Certains même affirmèrent qu’il en était devenu le propriétaire en épousant la fille du fermier après s’être séparé sa femme.
Pendant les années qui suivirent, la propriété et la maison de la tondue restèrent vides. Chaque année à l’automne, une équipe d’ouvriers arrivaient en camion et faisaient le nettoyage du parc. A cette occasion, les volets étaient ouverts pour une journée, puis les ouvriers repartaient. La commune avait bien essayé plusieurs fois de faire l’acquisition de cette propriété pour y installer une nouvelle mairie mais elle s’était heurtée a un refus catégorique de l’étude de notaire qui réglait chaque année les impôts fonciers et locaux. Tout était parfaitement en règle et la commune finit par abandonner.
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René est sa mère s’étaientt réfugiés à la ville. La jeune femme avait assez rapidement trouvé, grâce a ses compétences, un travail de secrétaire dans une étude de notaire. Elle y fut vite remarquée par le vieux notaire qui prit alors ses affaires en main.
René trouva une nouvelle école. Enfant studieux, il fit des études qui l’emmenèrent sans problème au baccalauréat. Il vécut assez mal le divorce de ses parents. En lui-même, il n’arrivait pas à comprendre la punition injustifiée imposée à sa mère et l’indifférence suscitée par l’action de son père. Le plus coupable, pour lui, était sans nul doute son père.
Tout cela n’en fit pas un révolté mais quelqu’un d’un peu renfermé, il n’eut pas beaucoup d’amis. Le travail de sa mère et ses contacts avec l’étude de notaire où elle exerçait le conduisit naturellement vers cette profession. Trois années d’études après son bac il put donc commencer à travailler.
Durant une année, il eut le bonheur de travailler dans la même étude que sa mère mais celle-ci, depuis déjà quelques temps, subissait les attaques d’une tumeur maligne. Lorsqu’elle disparut, René fut comme atterré, plus rien ne semblait l’intéresser.
Il prit sa décision en quelques minutes, quitta l’étude au grand regret du vieux notaire encore en place, et se fondit dans l’anonymat en s’engageant dans la légion Étrangère. Il devint Rémy Dubois.
La Légion Étrangère devint sa famille, il s’y distingua ni plus ni moins que ses compagnons, participa à la dernière année de la guerre d’Indochine, puis continua avec celle d’Algérie pour finir en Europe de l’Est et le temps de la retraite arriva.
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C’est un peu plus de vingt ans plus tard que la “maison de la tondue” reprit vie. Personne ne savait d’où venait le nouveau propriétaire, un certain monsieur Rémy Dubois. À la mairie, on savait tout juste que c’était un ancien sous-officier de l’armée, en retraite.
Il s’installa discrètement. Le grand parc fut nettoyé, la maison retrouva des couleurs. Les enfants du village, inquiets de ne plus pouvoir jouer dans cet espace, furent vite rassurés quand, quelques jours après l’arrivée du nouveau propriétaire, un petite pancarte fut placée à l’entrée du boisé. Elle disait simplement : «Ce parc est autorisé aux enfants pour y jouer comme par le passé». Les enfants ne s’en privèrent pas et, comme conscients de la responsabilité que leur donnait cette autorisation, il n’y eu jamais de dégradations.
Au fil des années Rémy Dubois fut connu de tous les habitants, mais aucun ne pouvait se prévaloir d’en savoir beaucoup sur lui. D’où venait-il, n’avait-il donc aucune famille, tout juste savait-on son ancienne appartenance à l’armée car il ne manquait jamais d’assister chaque année aux cérémonie du souvenir au monument aux mort. Quelques personnes murmuraient l’avoir vu renifler et se moucher un jour à une de ces manifestation comme s’il se cachait de pleurer mais peut-être était ce un mauvais rhume qui embuait ses yeux.
Un matin, au printemps, Rémy fut réveillé par un bruit. Lorsqu’il se leva, un léger vertige l’obligea à se tenir contre le mur. Il descendit lentement l’escalier qui menait au rez de chaussée, il comprit que le bruit qui l’avait éveillé était causé par son chat qui demandait à rentrer. «Une minute, minou j’arrive» dit Rémy mais, à cet instant un brouillard envahit son cerveau. Rémy perdit l’équilibre et tomba avant d’atteindre la porte. Victime d’une hémorragie cérébrale Rémy mourut quelques minutes plus tard.
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Réunion extraordinaire du conseil municipal, tous les conseillers sont présents, monsieur le maire a été explicite : le conseil devait être au complet.
Lorsque tous furent installés, le maire prit la parole. Il tenait à la main une grande enveloppe brune.
« Notre réunion de ce jour est provoquée par ce courrier reçu avant-hier en provenance d’une étude de notaire de la ville voisine, cela suite au décès d’un de nos administrés, monsieur Rémy Dubois. Certains parmi vous vont sans doute être surpris d’apprendre que Rémy Dubois est né dans notre commune et que son nom véritable est René Dumond, oui le fils de madame Lise Dumond qui fut secrétaire de notre mairie voici bien des années ».
Cette annonce suscita une grande surprise et quelques murmures parmi les conseillers, la plupart trop jeunes pour avoir vécu l’histoire de madame Dumond, mais il y avait encore deux vieux conseillers qui l’avaient bien connue.
« Monsieur Rémy Dubois, son nom a été légitimé par son appartenance à la légion étrangère, n’a pas cherché à se faire reconnaître. Il s’est toujours comporté comme un bon citoyen de notre commune. Respectons donc sa discrétion. L’étude notariale chargée de ses affaires nous informe que monsieur Dubois fait le legs de sa propriété à la commune, cela sous deux conditions. Le parc doit rester public et ouvert aux enfants sans aucune restriction. Il est même précisé : pas d’interdiction de jouer sur les pelouses. L’autre condition, la maison réaménagée si nécessaire doit être utilisée au service de la commune.
Il est ajouté que, si la commune refuse ce legs, ce que le donateur comprendrait, la propriété sera mise en vente et l’argent récupéré sera donné a une association pour la recherche médicale ».
Le conseil délibéra un long moment, puis a l’unanimité le legs fut accepté. Dans la foulée, il fut décidé que le parc porterait le nom de « Parc Lise Dumond et Rémy Dubois ». En ce qui concerne la maison, après études, il fut envisagé d’y transférer la mairie.
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La vieille dame sursauta lorsque la sonnette de la porte d’entrée retentit, c’était inhabituel à cette heure de la matinée. Elle ouvrit la porte devant laquelle se tenait un coursier. Celui-ci lui remit une lettre et un petit paquet pour lequel elle signa une décharge.
Intriguée, elle lu que l’expéditeur était une étude notariale située dans une ville à l’autre bout de la France. La lettre d’accompagnement lui expliquait que le contenu du paquet était un legs que lui faisait monsieur René Dumond, décédé depuis peu.
En tremblant, la vieille dame ouvrit le paquet. Il contenait un livre, un livre scolaire, une vieille géographie. Elle l’ouvrit et trouva une feuille de cahier d’écolier où il était écrit à l’encre violette : Julie veux tu être ma bonne amie.
Julie ferma les yeux et revit la scène de ce matin-là. René et sa mère qui se dirigeaient vers le bus, René levant la tête et lui faisant un petit signe de la main et elle lui répondant par un sourire et lui envoyant un baiser du bout des doigts. Julie serra le livre de géographie contre son cœur, les yeux mouillés elle murmura : « oui je veux bien être ta petite amie ».
Alain Guillon
Sherbrooke, Québec