"Raks Sharki" par Caroline Châtel
Dans toutes les civilisations brillantes (pharaonique, grecque, mésopotamienne, arabe, indienne…) la
et la musique jouaient un rôle non négligeable dans la vie quotidienne, et l’on pratiquait de nombreux cultes religieux en l’honneur des dieux. Il existait également une croyance fort répandue selon laquelle la femme, concevant la vie, possédait un pouvoir magique. Ainsi, en l’honneur de la « déesse mère », les femmes exécutaient des danses de fertilité.
Au fil du temps, et avec la naissance de nouvelles religions (judaïsme et christianisme) prônant l’existence d’un dieu unique, ces rituels sacrés vinrent à disparaître. En effet vénérer plusieurs dieux allait à l’encontre du fondement de ces deux religions. Les nouvelles règles imposées par celles-ci, et la conquête de l’Islam furent certes un obstacle à toute
, mais instinctivement les femmes surent préserver certains rituels chantés et dansés, et ce de génération en génération.
Ainsi, de Bagdad à Cordoue, en passant par le Caire, il existait des danseuses, dont la plupart étaient des esclaves. Très belles, elles devaient maîtriser l’art du chant, du poème et de la
. Plus proche de nous au 18ème et 19ème siècle, on distinguait en Egypte plusieurs styles de
: la
des dames (en arabe hawanem). Celles-ci, issues de la classe aisée n’étaient pas des professionnelles, mais exerçaient l’art de la
avec beaucoup de finesse et d’élégance, dans des endroits fréquentés uniquement par des femmes : les hommes ainsi que les étrangers n’étaient admis en aucun cas ! les femmes qui exerçaient le métier de
use faisaient partie de la tribu tsigane des Ghawazi, installée en Haute-Egypte. Elles dansaient pour le petit peuple, et n’avaient pas une bonne réputation, contrairement aux almées (en arabe « awalem ») qui étaient aussi des danseuses professionnelles, mais plus respectées par le public.
C’est au 19ème siècle, durant l’expédition de Bonaparte en Egypte que pour la première fois on utilisa le terme de «
du ventre ». En effet, seuls les mouvements du bassin, des hanches ainsi que du ventre parfois dénudé de ces fameuses almées ou ghawazi ne retinrent l’attention de ces soldats en quête d’exotisme.
La
orientale va connaître une évolution sans précédent dans toute son histoire à partir du début du 20ème siècle. Une femme d’origine syro-libanaise, nommée Badia Masabni entrepris d’ouvrir le plus grand casino au Caire, le « Casino-Opera », offrant des spectacles de qualité à un public colonial, touristique, et à l’aristocratie égyptienne.
Badia Masabni envisagea de développer une
plus sophistiquée, et plus raffinée que la
des ghawazi et des almées, en utilisant des éléments nouveaux tel un décor somptueux, une plus large utilisation de l’espace, un vocabulaire technique plus riche, (inspiré du folklore ainsi que des bases de
classique) l’introduction du voile et du costumes deux pièces à sequins, inspirés tous deux du style hollywoodien.
Ainsi naît le Raks Sharki, que l’on traduit par «
orientale »,
inspirée de l’orient et de l’occident, beaucoup plus riche et plus technique son ancêtre « raks baladi » (
populaire ou citadine).
Les années 30-40 constitueront l’age d’or de la
orientale en Egypte. De célèbres artistes comme Samia gamal et Tahia Carioca firent leurs premiers pas au « Casino-Opera » et rendirent célèbres la
orientale également grâce aux comédies musicales.
Le « Casino-Opera » étaient un passage obligé qui permettait à toute danseuse, chanteur ou musicien d’atteindre une certaine notoriété. Farid El Atrache, célèbre chanteur égyptien, fit ses premiers pas au casino de Badia Masabni.
L’ère du « Casino-Opera » est révolue et des générations de danseuses se sont succédées depuis cette période : celle de Nagwa Fouad, Sohair Zaki, Mona Saïd, Fifi Abdou, Lucy, Dina. Mais danser dans une société où l’intégrisme augmente relève d’un véritable parcours du combattant, aussi certaines danseuses préfèrent abandonner leur carrière et porter le voile. A l’heure actuelle Fifi Abdou reste la danseuse la plus populaire. Depuis le début des années 80, l’occident connaît un véritable engouement pour la
orientale. Ayant subie une grande évolution, la
orientale est devenue très technique, avec beaucoup de déplacements, jeux de hanches, utilisation de chaque partie du corps de façon isolée, ondulations du bassin, utilisation d’accessoires relevant du folklore égyptien.
Elle est enseignée au même titre que la
classique, le modern jazz, dans un style académique.
Nous sommes bien loin de la «
du ventre » de l’époque coloniale de Bonaparte !!!
La
orientale entre dans une nouvelle ère de son histoire, et elle gagne de plus en plus en reconnaissance grâce aux artistes actuels qui tentent de relever son niveau dans le monde entier.
Caroline Châtel.