“Le Maréchal Mezian de Larache était un grand patriote”

“Le Maréchal Mezian de Larache était un grand patriote”


Propos recueillis
par N. Jouhari


•MHI: Vous avez bien connu le Maréchal Mezian. Quel souvenir en gardez-vous?
-M. Aherdan: Au-delà de son grade militaire, Mohamed Mezian était un grand homme d'honneur. Ceux qui l'attaquent aujourd'hui le font par mauvaise foi et par méconnaissance de l'homme et du contexte dans lequel il agissait. Il était aussi, et cela est un témoignage pour l'histoire, un grand patriote.
•MHI: Comment pouvez-vous dire celà alors qu’une polémique porte sur son passé militaire espagnol?
-M. Aherdan : C'est absurde, tout cela. Le Maréchal Mezian, je le répète, était un grand patriote. La preuve, il a tout abandonné en Espagne pour rentrer servir son pays. Il a laissé une brillante carrière et était pressenti pour le poste de Premier ministre d'Espagne. Par ailleurs, il n'est pas le seul officier marocain de l'époque à avoir servi sous les drapeaux de l'une des deux puissances coloniales. Ceux qui le critiquent n'ont fait aucune enquête pouvant étayer leurs accusations fallacieuses. En tant qu'ancien ministre, je peux dire combien l'image du Maréchal nous a été utile pour régler des problèmes avec l'Espagne. Le qualifier d'anti-patriote, c'est démolir tout le travail qui a été fait par lui et ses semblables pour mettre en place les Forces armées royales, dont tout Marocain digne de ce nom doit être fier.
•MHI: Quel rôle a-t-il joué, justement, dans la formation des FAR?
-M. Aherdan : M. Mezian a répondu à la sollicitation royale et s'est investi corps et âme pour mettre en place l'armée marocaine. Il aurait pu refuser et poursuivre sa prestigieuse carrière en Espagne. Je peux vous dire, puisque j'étais ministre de la Défense nationale à l'époque, que, sans le Maréchal Mezian, il nous aurait été plus que difficile, pour ne pas dire impossible, de mener la tâche qui était la nôtre, dans une période cruciale de l'histoire du Maroc.
C'était la période de l'intégration des soldats ayant servi sous les drapeaux français ou espagnols, les goumiers, et les éléments de l'Armée de libération nationale. Un véritable casse-tête que M. Mezian, avec son savoir-faire, son tact et sa rigueur, a pu régler pour le bien de la nation.
• MHI: Etait-il plus un stratège qu’un un officier de terrain?
-M. Aherdan: Le maréchal Mezian transcende ce genre de considérations. C'était un officier hors pair. Et, pour votre gouverne, de hauts gradés des armées du monde ont beaucoup de respect pour lui. Parmi eux, mon ami Marinovsky, ancien ministre de la Défense de l'Union soviétique que j'ai connu lors de ma visite à Moscou afin d'acheter des armes pour l'armée marocaine.
Quelques années plus tard, j'ai invité chez moi ce grand ministre russe de la Défense. Il y avait Mezian à cette réception. Marinovsky, qui avait combattu dans les rangs des Brigades rouges républicaines en Espagne, connaissait feu Mezian de nom. Chez moi, et devant sa femme, il a reconnu la bravoure, le sens tactique et la noblesse du Maréchal Mezian et lui a tiré son chapeau. C'est dire si ceux qui critiquent le Maréchal, aujourd'hui, un mort de surcroît, méprisent l'histoire du patriotisme et n'ont aucun respect pour ceux qui ont servi loyalement leur pays.
• MHI : Vous avez participé à l'inauguration du Musée Maréchal Mezian à Bni Ansar. Qu'est-ce que cela vous inspire-t-il ?
-M. Aherdan: De la fierté, simplement. Le musée Maréchal Mezian est une initiative de ses descendants qui ont voulu saluer la mémoire de leur père. Quel mal y a-t-il à cela ? D’autre part, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un grand homme qui a rendu de grands services à la nation, tout en marquant l'histoire de son empreinte. Lui rendre un hommage posthume est la moindre des choses.

Inauguré le samedi 27 mai 2006, le musée Maréchal Mezian
retrace le riche parcours de ce général de l’armée espagnole qui a rejoint les Forces Armées Royales (FAR) dès leur création en 1956.

Maréchal, nous voilà !
Majdouline ElAtouabi



Durant sa longue histoire militaire, le Maroc n’a connu qu’un seul maréchal, le plus haut et le plus prestigieux grade de l’armée. L’homme en question se nomme Mohamed Belkacem Azzahraoui Mezian, plus connu sous l’appellation Maréchal Mezian. Et un musée qui lui est spécialement dédié a été inauguré, dans sa petite bourgade natale de Beni Nsar, à 12 kilomètres de Nador, le samedi 27 Mai 2006.
Couvrant 3.500 mètres carrés, les générations actuelles et futures pourront désormais y découvrir le riche parcours de cet ancien général de l’armée espagnole qui a rejoint les Forces Armées Royales (FAR) dès leur création en 1956. Le musée Maréchal Mezian met en effet à la disposition du public des fonds d'archives écrites et photographiques. Il compte une salle d'exposition ethnographique du Rif, ainsi qu'un espace audiovisuel consacré à la longue carrière militaire et au parcours patriotique et citoyen exemplaire du Maréchal Mezian. Situé dans la maison même de la famille Mezian, ce musée a été financé par la fondation BMCE Bank pour la culture présidée par Laila Mezian, fille du maréchal et épouse de Othman Benjelloun, le PDG de la BMCE Bank.
Placée sous le haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, l’inauguration du musée Maréchal Mezian qui intervient en prolongement des manifestations célébrant le cinquantième anniversaire de la création des FAR, a vu la présence d’une importante délégation d’officiels marocains et espagnols. Du côté marocain, en plus des membres de la famille du maréchal Mezian, on notera la présence de plusieurs ministres et de personnalités politiques, dont l’ancien ministre de la défense et leader du Mouvement Populaire, Mahjoubi Aherdane. Quelques hauts gradés et ancien frères d’armes du maréchal Mezian étaient également présents. Il s’agit notamment du directeur du troisième bureau, le général Bouchaïb Arroub, l’ancien directeur de la Direction Générale des Études et de Documentation (DGED) et ex-inspécteur général des FAR, le général Abdelhak Kadiri et le général Mohamed Belbachir, patron du 5ème bureau en charge de la sécurité militaire. Côté étranger, outre Luis Planas, l’ambassadeur espagnol au Maroc, l’Espagne était représentée par le chef adjoint de l’État Major de l’armée espagnole, le lieutenant général Rafaël Barbudo et le commandant général de Melilia, le général Vicente Díaz de Villegas.

Laila Mezian Benjelloun.

Au Maroc comme en Espagne, le général Mezian reste un grand homme qui constitue un trait d’union entre ces deux pays. Natif de la petite bourgade rifaine de Beni Nsar, le premier février 1897, il a choisi très tôt de faire une carrière militaire. Après des études primaires et secondaires à Melilia, il a été inscrit par son père Mezian Belkaem, cheikh et chef de la tribu rifaine des Beni Mâarouf, à l’Académie militaire de Tolède. Dans cette prestigieuse institution il apprend la discipline et la science martiales aux côtés de compagnons de classe qui marqueront l’histoire de leurs pays tels que les généraux Franco, Varela, Yague et Garcia Varelo. Plus tard, c’est aux côtés de ces mêmes généraux qu’il se distinguera lors de la guerre civile d’Espagne dont il entraînera la fin. C’est en effet en grande partie grâce à lui que la révolte républicaine fut matée, entraînant la fin de cette guerre meurtrière où le soldat marocain s’illustra lors de la légendaire bataille de l’Ebre. Ainsi que par la prise de contrôle de Talvera de la Reina et l’Alcazar de Tolède.
Sa bravoure lui vaudra d’être promu général de brigade en juillet 1941, puis lieutenant général, le 26 juin 1953. Trois années plus tard, il est sollicité pour participer à la création et à l’organisation des FAR, où il va s’illustrer par ses qualités humaines et ses compétences professionnelles. À partir de l’année 1966, il entame sa carrière diplomatique après sa nomination en tant qu’ambassadeur du Royaume à Madrid. Il fut par la suite décoré plusieurs fois au Maroc et à l'étranger, notamment en Espagne, au Liban, en Syrie, en Irak, en Egypte, en Tunisie, en Yougoslavie, au Portugal, en Allemagne et en Russie. Le 17 novembre 1970, il fut élevé par le défunt Roi Hassan II au grade suprême de maréchal. Cinq années plus tard, en mai 1970, il mourra de sa belle mort. Inhumé à Rabat avec les honneurs dignes de son rang, il fait aujourd’hui figure de légende de l’histoire militaire marocaine.

Hommage au seul maréchal du Maroc

ILS sont venus de tous bords pour assister à cet événement : Abdelouahab Benmansour (historiographe du royaume), Moulay Ismaïl Alaoui (secrétaire général du PPS), Dr Ahmed Boukouss ( recteur de l’IRCAM), Mansouri Benali ( chargé de mission au Cabinet Royal), M’hamed Diouri (membre du comité dirigeant du parti de l’Istiqlal) Fathallah Oualalou (ministre des Finances et de la privatisation) Habib El Malki,( ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la recherche scientifique,), Mustapha Mansouri ( ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Mustapha Benali (DG de 2 M), l’Usefpeiste Mohamed El Mbarki, les officiers supérieurs de l’état-major des FAR, l’ambassadeur d’Espagne à Rabat, Luis Planas Puchades, une délégation importante des militaires espagnols, le consul-général d’Espagne... Ils ont tous été reçus par le couple Benjelloun : Dr Leila Meziane Benjelloun, fille du maréchal et son époux, le Président de BMCE Bank, Ohtmane Benjelloun.

Les petits-enfants du maréchal étaient aussi présents (Fadel, Madbouh....) d’ailleurs, une des petites-filles qui poursuit actuellement ses études en Espagne ne voulait en aucun cas rater cet événement, elle est rentrée spécialement pour cela. Tous, étaient présents à Beni Ansar pour rendre hommage au Maréchal Mohamed Mezian, le 1er maréchal du Maroc et même le seul, à nos jours, qui ait porté ce haut grade dans les rangs des forces armées royales.

Le musée retrace le parcours de ce jeune rifain qui est devenu une légende, une mémoire de l’histoire militaire marocaine. Une collection riche d’uniformes et de distinctions remises au Maréchal durant sa longue carrière militaire. Les différentes tenues, décorations, chaussures, capes et képis qu’il a portés durant sa carrière. Aussi, une statue du Maréchal, créée par la grande artiste Meriam Meziane qui n’est autre que sa fille.

Bahija Simou, historienne spécialisée dans l’institution militaire, a présenté lors de son intervention un aperçu sur la biographie du maréchal en se focalisant sur la période de 1956 à 1975.

Né à Beni Ansar, le 1er février 1897, fils de Mohamed Bel Kacem Az-Zahraoui, il intégra, grâce au Roi Alphonse XIII, l’Académie militaire d’infanterie de Tolède.... Jusqu’à devenir, en 1941, général de brigade et lieutenant général, en juin 1953, au sein des Forces armées espagnoles. Mais avec l’indépendance, il répond à l’appel de la patrie. D’ailleurs, quand il avait été reçu par feu SM Mohammed V, il portait la tenue du général espagnol. Il participa donc à la création des FAR dont le Maroc est fier aujourd’hui. Après avoir rempli son rôle de soldat, en 1966 il fut ambassadeur du Maroc en Espagne.

Il fut décoré plusieurs fois au Maroc et à l’étranger, notamment en Espagne, au Liban, en Syrie, en Irak, en Egypte, en Tunisie, en Yougoslavie, au Portugal, en Allemagne et en Russie. Il fût également ministre d’Etat et ministre de la Coordination de l’Administration de la Défense nationale... Mais la grande distinction reste son titre de maréchal, devenant ainsi le premier et le seul maréchal dans l’histoire marocaine jusqu’à nos jours. Il décéda en 1975.

Parmi les militaires-présents lors de cette inauguration, il y avait des collègues, amis de feu Mustapha Meziane , fils du Maréchal. Comme ce militaire de la région du Rif, habillé en civil, lauréat aussi de la première promotion (saint- cyr) qui devant la de Mustapha Meziane a tenu à nous parler du militaire-collègue- ami qu’était feu Mustapha Meziane.

La création de ce musée est un geste de générosité du docteur Leïla Mezian Benjelloun qui a choisi de faire sortir la mémoire de feu Maréchal Mezian du cercle familial pour la faire partager à tous les Marocains, en mettant à la disposition du public des fonds d’archives écrites et photographiques qui retracent la vie de cette figure emblématique de notre Histoire. Un homme, un militaire, un citoyen qui a incarné des valeurs de loyauté, de fidélité, de générosité, de sérieux : tant de qualités qui expliquent le respect et la considération qu’il a imposés. Ne l’a-t-il pas prouvé quand il est resté fidèle à la famille royale espagnole contre les républicains ? Et c’est avec cette même ferveur, cette même fidélité qu’il a servi le Trône de son pays et sa patrie, en participant à la fondation de l’armée marocaine, une responsabilité que feu SM Mohammed V lui a confiée. Les événements ont montré qu’il était digne de cette confiance. Feu SM Hassan II lui a prouvé sa gratitude en le nommant 1er Marchal de l’armée. Chef suprême et Chef d’Etat-major général des Forces armées royales, SM Mohammed VI, en plaçant l’ouverture du musée sous son Haut patronage ne fait rien d’autre que rendre hommage à un homme qui a servi sa patrie, son Trône jusqu’à la fin de sa vie.

D’ailleurs, lors de cette rencontre, Mahjoubi Aherdane, un compagnon de route, ancien ministre de la Défense, en parlant de la longue carrière du militaire a souligné que le maréchal était une référence de rigueur et d’honneur. Ajoutant : « une fois, le maréchal m’a dit : un officier doit faire attention à ne pas se salir. Pour donner sa vie à son pays, il doit la donner propre ». C’était cette philosophie que Mohamed Meziane a prônée au cours de son parcours patriotique.

Mahjoubi Aherdane, lors de ce témoignage, a expliqué comment le maréchal Mohamed Meziane et le général Kettani, bien qu’ils soient de deux écoles différentes et de deux cultures différentes, avaient en commun l’amour de leur patrie.

A travers cet événement, deux éléments peuvent attirer l’attention : le destin de cet homme qui l’a poussé à jouer un rôle dans l’Histoire de deux pays : Le Maroc et l’Espagne. Mais aussi la d’une belle femme portant une tenue rifaine : madame Fadela Amor Meziane, épouse du maréchal. Elle atteste du fait que tout marocain, en fouinant un peu dans son passé, trouve immanquablement un grand père, une grand-mère, un quelconque parent berbère, sahraoui, aroubi ou fassi. Une mosaïque culturelle qui fait sûrement la force des Marocains